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12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 13:00

 

Bertrand Russell, Science et religion.

 

La morale est étroitement liée à la politique : elle est une tentative pour imposer à des individus les désirs collectifs d'un groupe ; ou, inversement, elle est une tentative faite par un individu pour que ses désirs deviennent ceux de son groupe. Ceci n'est possible, bien entendu, que si ses désirs ne sont pas trop visiblement contraires à l'intérêt général : le cambrioleur peut difficilement tenter de persuader les gens qu'il leur fait du bien, quoique des ploutocrates (1) fassent des tentatives de ce genre, et réussissent même souvent. Quand l'objet de nos désirs peut bénéficier à tous, il ne paraît pas déraisonnable d'espérer que d'autres se joindront à nous ; ainsi le philosophe qui fait grand cas de la Vérité, de la Bonté et de la Beauté est persuadé qu'il n'exprime pas seulement ses propres désirs, mais qu'il montre la voie du bonheur à toute l'humanité. Contrairement au cambrioleur, il peut croire que l'objet de ses désirs a une valeur impersonnelle.
La morale est une tentative pour donner une importance universelle, et non simplement personnelle, à certains de nos désirs. Je dis "certains" de nos désirs, parce que c'est manifestement impossible dans certains cas, comme nous l'avons vu pour le cambrioleur. L'homme qui s'enrichit à la Bourse au moyen de renseignements secrets ne souhaite pas que les autres soient également bien informés : la Vérité (dans la mesure où il en fait cas) est pour lui une possession privée, et non le bien universel qu'elle est pour le philosophe.


(1) un ploutocrate : celui qui tire sa puissance de sa richesse

 

Kant - Critique de la raison pure, Dialectique Transcendantale, Eclaircissement de l’idée cosmologique d’une liberté en union avec la nécessité universelle de la nature, A554/B582,

 

« Que l’on prenne un acte volontaire, par exemple un mensonge de nature maligne par lequel un homme a introduit un certain désordre dans la société ; qu’on recherche d’abord les causes déterminantes[1] d’où il est sorti et que l’on juge ensuite comment il lui peut être imputé avec toutes ses conséquences. Sous le premier point de vue, on pénètre le caractère empirique de cet homme jusque dans ses sources, que l’on recherche dans la mauvaise éducation, dans une détestable société, en partie aussi dans la méchanceté d’un naturel insensible à la honte, ou qu’on rejette sur le compte de la légèreté ou de l’irréflexion, sans perdre de vue les causes occasionnelles et leur incitation. Dans tout cela, on procède comme on le fait en général dans la recherche de la série des causes déterminantes pour un effet donné de la nature. [2] Or, bien que l’on croie que l’action est déterminée par là, on n’en blâme pas moins l’auteur [3], et cela non pas à cause de son funeste naturel, non pas à cause des circonstances qui ont influé sur lui, non pas même à cause de sa conduite antérieure, car on présuppose que l’on peut mettre tout à fait de côté ce qu’a été cette conduite, regarder la série des conditions écoulées comme n’étant pas arrivée, et cette action, au contraire, comme entièrement inconditionnée [4] par rapport à l’état antérieur, comme si, par là, l’auteur commençait entièrement de lui-même une série de conséquences. Ce blâme se fonde sur une loi de la raison, où l’on regarde celle-ci comme une cause qui a pu et dû déterminer autrement la conduite de l’homme, nonobstant toutes les conditions empiriques qu’on a citées. Et l’on n’envisage point la causalité de la raison, en quelque sorte simplement comme un concours, mais comme complète en elle-même, quand même les mobiles sensibles ne lui seraient aucunement favorables, mais tout à fait contraires, l’action est attribuée au caractère intelligible de l’auteur : la faute tombe entièrement à l’instant même où il ment ; par conséquent, malgré toutes les conditions empiriques de l’action, la raison était parfaitement libre, et cet acte doit être entièrement imputé à son manquement [5]. »

 

 

 

Spinoza – Lettre à Schuller

 

« Je passe maintenant à cette définition de la liberté que m'attribue votre ami ; mais je ne sais d'où il l'a tirée. Pour ma part, je dis que cette chose est libre qui existe et agit par la seule nécessité de sa nature, et contrainte cette chose qui est déterminée par une autre à exister et à agir selon une modalité précise et déterminée. Dieu, par exemple, existe librement (quoique nécessairement) parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature. De même encore, Dieu connaît soi-même et toutes choses en toute liberté, parce qu'il découle de la seule nécessité de sa nature qu'il comprenne toutes choses. Vous voyez donc que je ne situe pas la liberté dans un libre décret mais dans une libre nécessité.
Mais venons-en aux autres choses créées qui, toutes, sont déterminées à exister et à agir selon une manière précise et déterminée. Pour le comprendre clairement, prenons un exemple très simple. Une pierre reçoit d'une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, par laquelle elle continuera nécessairement de se mouvoir après l'arrêt de l'impulsion externe. Cette permanence de la pierre dans son mouvement est une contrainte, non pas parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsion des causes externes ; et ce qui est vrai de la pierre, l'est aussi de tout objet singulier, quelle qu'en soit la complexité, et quel que soit le nombre de ses possibilités : tout objet singulier, en effet, est nécessairement déterminé par quelque cause extérieure à exister et à agir selon une loi (modus) précise et déterminée.
Concevez maintenant, si vous le voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, sache et pense qu'elle fait tout l'effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu'elle n'est consciente que de son effort, et qu'elle n'est pas indifférente, croira être libre et ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu'elle le désire. Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. C'est ainsi qu'un enfant croit désirer librement le lait, et un jeune garçon irrité vouloir se venger s'il est irrité, mais fuir s'il est craintif. Un ivrogne croit dire par une décision libre ce qu'ensuite il aurait voulu taire. De même un dément, un bavard et de nombreux cas de ce genre croient agir par une décision libre de leur esprit, et non pas portés par une impulsion. Et comme ce préjugé est inné en tous les hommes, ils ne s'en libèrent pas facilement. L'expérience nous apprend qu'il n'est rien dont les hommes soient moins capables que de modérer leurs passions, et que, souvent, aux prises avec des passions contraires, ils voient le meilleur et font le pire : ils se croient libres cependant, et cela parce qu'ils n'ont pour un objet qu'une faible passion, à laquelle ils peuvent facilement s'opposer par le fréquent rappel du souvenir d'un autre objet. »

 

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