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22 novembre 2012 4 22 /11 /novembre /2012 15:07

 

Il y a aujourdhui tout autour de nous une espèce dévidence fantastique de la consommation et de labondance, constituée par la multiplication des objets, des services, des biens matériels, et qui constitue une sorte de mutation fondamentale dans lécologie de lespèce humaine. A proprement parler, les hommes de lopulence ne sont plus tellement environnés, comme ils le furent de tout temps, par dautres hommes que par des objets. Leur commerce quotidien nest plus tellement celui de leurs semblables que, statistiquement selon une courbe croissante, la réception et la manipulation de biens et de messages, depuis lorganisation domestique très complexe et ses dizaines desclaves techniques jusquau « mobilier urbain » et toute la machinerie matérielle des communications et des activités professionnelles, jusquau spectacle permanent de la célébration de lobjet dans la publicité et les centaines de messages journaliers venus des mass media, du fourmillement mineur des gadgets vaguement obsessionnels jusquaux psychodrames symboliques qualimentent les objets nocturnes qui viennent nous hanter jusque dans nos rêves. Les concepts d « environnement », d « ambiance » nont sans doute une telle vogue que depuis que nous vivons moins, au fond, à proximité dautres hommes, dans leur présence et dans leur discours, que sous le regard muet dobjets obéissants et hallucinants qui nous répètent toujours le même discours, celui de notre puissance médusée, de notre abondance virtuelle, de notre absence les uns aux autres. Comme lenfant-loup devient loup à force de vivre avec eux, ainsi nous devenons purement fonctionnels nous aussi. Nous vivons le temps des objets : je veux dire que nous vivons à leur rythme et selon leur succession incessante. Cest nous qui les regardons aujourdhui naître, saccomplir et mourir alors que, dans toutes les civilisations antérieures, cétaient les objets, instruments ou monuments pérennes, qui survivaient aux générations dhommes.

Les objets ne constituent ni une flore ni une faune. Pourtant ils donnent bien limpression dune végétation proliférante et dune jungle, le nouvel homme sauvage des temps modernes a du mal à retrouver les réflexes de la civilisation. Cette faune et cette flore, que lhomme a produites et qui reviennent lencercler et linvestir comme dans les mauvais romans de science-fiction, il faut tenter de les décrire rapidement, telles que nous les voyons et les vivons en noubliant jamais, dans leur faste et leur profusion, quelles sont le produit dune activité humaine, et quelles sont dominées non par des lois écologiques naturelles, mais par la loi de la valeur déchange.

 

 

Jean Baudrillard La société de consommation (1970)

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