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4 juin 2015 4 04 /06 /juin /2015 12:13

Que peut nous apprendre l’expérience ?


I. Il faut se méfier de l'expérience immédiate qui est trompeuse et n'est pas source de vérité. L'expérience ne nous apprend rien : elle est au contraire source d'erreur (apprendre = connaissance scientifique, savoir).

I.A. L'experience sensible est trompeuse. Platon, "La Répulique", p.300. Descartes, "Méditations Métaphysiques" (Première Méditation : ce sur quoi le doute porte en premier ce sont les connaissances qui nous sont transmises par les sens ; Seconde Méditation, morceau de cire), p.99, Bachelard, La formation de l'esprit scientifique (connaître, c'est
d'abord désapprendre les préjugés issus de perceptions sensibles).

I.B. Notre savoir scientifique ne vient donc pas de l'expérience car celle-ci est trop variable, trop fluctuante : elle n'est pas source de régularité, d'universalité (qui est ce que la
science produit et décrit) - Leibniz, La monadologie. La connaissance ne peut pas venir de l'expérience car la seule chose à laquelle on est confronté dans l'expérience, la succession,
l'accumulation, de faits, d'êtres, de choses absolument uniques. Nietzsche, Le livre du philosophe. Proust, Le temps retrouvé. C'est pourquoi l'induction n'est pas un
mode scientifique de connaissance. Aristote, Les analytiques. L’induction = le mode de raisonnement qui part du particulier pour aller au général.

I.C. Notre connaissance vient de la pensée, pas de l'expérience. Sous sa forme de lois générales qui essayent de décrire des phénomènes, réguliers, voire universels, la connaissance et sa forme viennent de la pensée. Dans la notion de savoir, la forme importe autant que la matière. Savoir, connaître, c'est être capable d'énoncer des propositions qui ont une valeur de vérité, c'est-à-dire qui ne sont pas seulement la description ou l'observation d'un phénomène ponctuel, mais qui sont l'énoncé d'une loi qui a une valeur générale, qui a une certaine stabilité. Descartes, Méditations métaphysiques (Seconde Méditation, morceau de cire), Einstein/Infeld, L'évolution des idées en physique, p.297, Kant, Critique de la raison pure, p.34, 90, 235.


Transition : Donc l’expérience sensible, immédiate, qui est une accumulation de faits particuliers, de phénomènes particuliers et concrets, ne produit aucun savoir, ne nous apprend rien, car la connaissance est elle générale – et cette généralité, cette mise en forme, vient de la pensée et non de l’expérience, de nos perceptions. Mais peut-on pour autant se passer de l'expérience ? Est-ce qu’on peut connaître sans avoir recours à l’expérience ? Est-ce que ce n’est pas l’expérience qui fournit la matière de nos connaissances ? Est-ce qu’elle n’a pas quelque chose à nous apprendre en nous permettant de vérifier, de valider une connaissance ou une théorie scientifique ?


II. L'expérience nous apprend bien quelque chose. Le savoir ne se définit pas seulement formellement, par sa mise en forme, son organisation sous forme de lois. Le savoir est aussi défini par la matière, les connaissances qu'il apporte. Or, la matière en est fournie par l'expérience : elle nous apprend donc quelque chose puisqu'elle nous fournit le contenu de nos connaissances.



II.A. Tout ne peut pas faire l'objet d'une connaissance scientifique. La première étape dans la constitution d'une science, c'est d'en délimiter le champ et distinguer entre ce qui pourra être scientifiquement connu et ce qui échappe au savoir au sens strict. Historiquement, dans l'histoire des sciences, la science apparaît comme le domaine de ce qui est observable et donc mesurable, quantifiable et connaissable scientifiquement et le domaine de ce qui échappe à l'observation et qui pourra relever de la métaphysique mais pas constituer une science à part entière. L'expérience comme garde-fou de nos connaissances. Kant, Critique de la raison pure (Préface à la seconde édition), Galilée, L'essayeur, Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, Hume, Enquête sur l'entendement humain, p.234.

II.B. L'expérimentation est nécessaire comme validation d'une hypothèse. La connaissance n'est pas directement tirée de l'expérience, donc elle prend souvent d'abord la forme d'une hypothèse, d'une spéculation. C'est une proposition d'un modèle qui semble fonctionner pour expliquer le phénomène que l'on cherche à expliquer. Ce modèle est d'abord fondé par sa cohérence interne (son caractère non contradictoire, le fait qu'il est correctement démontré). Il peut être aussi validé par sa cohérence avec les autres théories qui préexistent ou coexistent. Mais l'épreuve ultime reste l'expérimentation, la confrontation avec l'expérience, qui peut valider ou invalider une hypothèse, même si ce n'est pas nécessairement définitivement. Popper, La logique de la découverte scientifique, « la falsification » : une théorie ne peut pas prétendre être scientifique si on a aucun moyen de la mettre à l’épreuve, c’est-à-dire éventuellement prouver que c’est faux. L’astrologie par exemple ne peut pas prétendre être une science car on n’a aucun moyen de mettre à l’épreuve cette théorie. On pourra toujours trouver une interprétation qui permettra de montrer en quoi les faits confirment l’horoscope. C’est pour cette même raison que pour Popper la psychanalyse ne peut pas prétendre être une science. p.240, Freud, Métapsychologie, p.52. L'expérimentation nous permet de valider une hypothèse, elle nous permet de connaître la valeur d'une hypothèse.

II.C. Ce rôle de l'expérimentation est d'autant plus important dans les sciences dites expérimentales. Certaines sciences reposent non seulement sur une observation de la réalité mais aussi sur sa modification. Dans ces domaines, c'est l'expérimentation seule qui constitue le savoir puisque la connaissance n'est pas une simple modélisation mais un outil dont l'objectif est de pouvoir transformer la réalité. Bernard, Principes de médecine expériementale, p.237.

Transition : l’expérience joue un rôle essentiel dans la constitution de nos connaissances. Elle est à la fois le point de départ de la science (la science ne peut parler que de ce dont on peut faire l’expérience) et en même temps en quelque sorte son « point d’arrivée » - elle est ce qui va venir confirmer, valider une hypothèse théorique. Mais l’expérience ce n’est pas seulement l’expérimentation dans le domaine scientifique, c’est aussi dans un sens plus large, la pratique, le vécu. Or dans ce sens, l’expérience a-t-elle quelque chose à nous apprendre ? Peut-on tirer des leçons de ce que nous avons vécu ?

III. L'expérience vécue, la pratique sont nécessaires car elles fournissent un apprentissage. Est ce que l'expérience n'est pas le seul domaine où on peut apprendre quelque chose parce que c'est le seul domaine où il se passe quelque chose. L'expérience vécue, lieu de l'apprentissage (par la pratique).



III.A. La connaissance théorique scientifique a pour objectif un prolongement, une application pratiques, un retour au réel. Le prolongement naturel de la science, c'est la technique. Descartes, Discours de la méthode. Bacon : « Savoir pour prévoir, prévoir pour pouvoir. » La science vise l’action – la pratique. Or justement, l’expérience, c’est la somme de nos actions, l’accumulation de vécu, la pratique donc.


III.B. L'expérience permet-elle un apprentissage dans les choses humaines en général (au-delà de la science)? Il semble qu'on ne peut pas tirer de leçons de l'expérience (Hegel), qu'on ne peut pas en tirer de principes (Kant). On ne peut pas tirer de règles générales de l’expérience vécue. Par exemple, chez Kant, si je veux répondre à la question « que dois-je faire ? » je ne peux pas m’appuyer sur l’expérience car celle-ci n’est pas stable. Si je veux savoir si j’ai le droit de mentir par exemple ou si je dois dire la vérité, l’expérience ne va rien m’apprendre puisque parfois le mensonge sera profitable, dans d’autres circonstances au contraire, il sera nuisible. Dans le domaine de l’existence, il semble donc qu’on ne puisse pas non plus tirer de leçons de l’expérience car elle manque de constance.

III.C. Mais l'expérience est tout simplement le lieu où nos existences ont lieu. C’est le lieu de l’apprentissage et de l’existence qui se vivent justement dans la pratique – dans certains domaines, c’est seulement par l’expérience que l’on peut apprendre (l’artisanat – le jugement de goût – le développement d’un certain nombre de nos capacités – la marche, le langage, etc… voir Rousseau –Emile) – d’une manière générale, dans l’existence, on apprend par l’expérience la nôtre, celle des autres, voire l’expérience fictive du personnage de roman (roman d’apprentissage – L’éducation sentimentale, Le père Goriot, Le rouge et le noir….), Sartre, L'existentialisme est un humanisme, Aristote, Ethique à Nicomaque : la notion de prudence – dans le domaine pratique, dans le domaine de l’action, il n’y a pas de règles générales, mais c’est seulement en fonction des circonstances particulières que l’on peut savoir ce que l’on doit faire. La prudence, c’est la capacité à adapter son action aux circonstances.

Donc l’expérience a réellement quelque chose à nous apprendre – elle vient soit confirmer nos connaissances, leur donner du contenu, dans certains domaines, dans d’autres et plus généralement elle est simplement le lieu du réel.



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commentaires

S
Très bel article, très intéressant et bien écrit. Je reviendrai me poser chez vous. N"hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo). A bientôt.
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A
j'aime me promener sur votre blog. un bel univers. vous pouvez visiter mon blog (cliquez sur pseudo) à bientôt.
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C
je reviens apres avoir élaboré un petit test euristique avec mon fils de 12ans. juste pour vérifier si certaines ref ne devraient pas etre appréciées comme hypothèses et non en vérités, Hegel m'a contrarié.<br /> l'experience: <br /> 1. l'objet<br /> mon fils de 12 ans en échec scolaire (2.5 en math)<br /> 2. le test<br /> par la pensée qui lui est propre et vierge de cette connaissance, peut il trouver une méthode pour resoudre une équation de 1er degré; 5x= 15<br /> les moyens pour trouver x une balance et des raisins<br /> resultat<br /> oui en réponse immédiate et sur des petites valeurs de x, il trouve le resultat<br /> non sur des valeurs grandissantes, la visualisation mentale ne lui permet pas de ne jamais se tromper<br /> je lui demande alors de penser à la méthode lui permettant de répondre juste, de faire sa sauce, pour l'appliquer sur les valeurs croissantes et la tres rapidement l'ensemble de ces réponses est juste<br /> la méthode est l'experience , la pensée seule ne peut se substituer à l'experience, prétendre le contraire c'est continue de vouer les nouvelles générations à l'autodestruction. à ne vouloir imposer que leurs égos surdimensionnés en confrontation de l'experience ils finiront tous par s'annihiler. un tyran croit sa seule pensée, un sage par l'experience mesure sa pensée. il y a des notions dont vous faites souvent abstraction, le doute, le sens commun, etc...j'espere que la finalité sera malgré tout à la hauteur de votre travail, ce n'est plus de nouveau bhl dont nous avons besoin, ni de futures hypothèses, mais d'action, d'actes qui génèreront des expériences permettant la reprise de l'évolution
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C
d'accord si l'on admet que nul création ne peut aboutir sans experience. il vous faudrait œuvrer d'ailleurs à vous détacher de toutes vos lectures, et débarrasser vos argumentaires de toutes ces citations scolaires dont vous ourlez votre reflexion... vous etes l'exemple et le contre exemple. mais c'est un bon début
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